Rencontre au Parlement européen du 3 et 4 novembre 2009
Rapport de Frank Slegers pour les Marches européennes
Depuis maintenant plus que trente ans, un chômage de masse structurel, permanent, mine l’Europe sociale.
Jusqu’au milieu des années ’70 du siècle passé, jamais le chômage en Europe ne dépassait les 3%. Ensuite, en dix ans, il est passé à 8 à 9%, et il est resté à ce niveau-là. Mais malgré son caractère durable, permanent, on est parvenu à faire disparraître ce chômage massif du débat politique.
Des fois on entend dire que le chômage a été remplacé par le travail précaire. C’est donc faux. Il est vrai que le chômage a servi de levier pour précariser l’emploi, mais il n’a pas disparu lui-même pour autant. La lutte pour des emplois décents, opposés aux emplois précaires, ne peut donc remplacer la lutte contre le chômage.
Maintenant que le chômage explose de nouveau, ils ont déjà leur explication prête pour une fois de plus éviter qu’il soit au cœur du débat politique. « Si le chômage va encore monter, c’est parce qu’il suit la conjoncture avec du retard ». Sous-entendu : ce n’est qu’une question de rythme. La conjoncture économique reprend, et l’emploi suivra, même si ce sera avec du retard. Donc des mesures transitoires suffisent.
Et la politique d’activation continue.
Les ministres de l’emploi et du travail des pays industrialisés se sont rencontrés fin septembre à Paris pour discuter l’activation. Le titre de leur séminaire : « maintening the activation stance during the crisis ». Voilà leur problème : comment continuer à justifier l’accent sur l’activation au moment où le chômage monte en flèche ? Leur réponse : « Parce qu’il y a plus de chômage, il faut renforcer les politiques d’activation »… Le rouleau compresseur va donc continuer.
Les discours sur l’activation peuvent être plus ou moins sympathiques, mais au fond ils reviennent au même : ils mettent la responsabilité du côté des chômeurs.
Les solutions qui prennent le mal à la racine sont évacuées. Il y en a deux que nous défendons depuis dix ans maintenant :
– la réduction du temps de travail (les 35h en France: 350.000 emplois créés)
– des plans publics pour investir dans des besoins sociaux
Développons ce deuxième point. C’est une question fondamentale, qui va beaucoup plus loin que la compétition mondiale qui est en train de se développer dans le secteur dit écologique.
Je donne un exemple vécu. J’habite au centre de Bruxelles, et j’ai un bébé de quatre mois. Nous ne trouvons pas de crèche pour elle en centre ville, malgré le fait que nous étions déjà inscrits sur les listes d’attente six mois avant sa naissance. Voilà une question centrale : pourquoi le capital n’est-il pas intéressé par des investissements dans l’acceuil d’enfants, gisement d’emplois par excellence, malgré une demande importante ? Ils nous inventent gadget électronique après gadget, tous les mois un nouveau type de téléphone, mais investir dans l’acceuil d’enfants, hola !
Peu importe les raisons, mais la conclusion est claire : on ne peut laisser au capital privé le choix des priorités. Il faut donc une fiscalité qui donne aux pouvoirs publics les moyens financiers pour créér des emplois là où la communauté en a besoin.
Dans ce sens je propose d’ajouter à la deuxième revendication, à la fin de notre appel, la revendication qui est la priorité avancée par les mouvements qui bossent sur la crise financière : une taxe sur les transactions financières.
Nous devons donc combiner trois démarches :
– maintenir le cap sur le fond : pour abolir le chômage, réduire le temps de travail, et créer des emplois par des investissements publics dans les besoins sociaux ;
– des mesures d’urgence, car nous refusons de payer la crise. Les amis français ont élaboré une revendication intéressante d’une nouvelle législation sociale fondée sur la continuité des droits, que je suppose qu’ils expliqueront ;
– rassembler toutes les victîmes de la crise de l’emploi, car en dernière instance nous revendiquons une autre répartition des richesses, nous contestons le contrôle du capital sur les richesses que nous produisons. C’est donc une question de rapports de forces, de confrontation, de lutte. Il n’est peut-être pas toujours évident de voir ce qui lie un ouvrier de l’automobile, un sans abri dans les rues de Bruxelles ou un Africain qui risque sa vie pour traverser la Méditerrannée (déjà plus que 10.000 morts, noyés, assassinées par l’Europe forteresse !). Les sensibilités peuvent être différentes. Un chômeur de longue durée mettra l’accent sur son revenu, revendiquera un revenu pour vivre, tandis que les travailleurs d’Opel à Anvers n’ont qu’une chose en tête, sauver leur emploi.
Il faut reconnaître cette diversité, mais cette diversité ne peut pas nous interdire de marcher ensemble contre le chômage et les licenciements, contre la précarité et la pauvreté.
Je termine par deux autres ammendements à notre projet d’appel :
– il faut quelque part indiquer comment notre lutte fait partie d’une lutte globale qui nous lie à nos collègues dans les autres continents (voir la remarque de Judith trasmise par mail) :
– dans le dernier point, je propose de lier la revendication d’un salaire minimum à la moyenne salariale par pays, comme fait dans le rapport de Gabi Zimmer adopté par le Parlement Européen. Je crois effectivement qu’il faut maintenir la distinction entre salaire minimum et minimum d’existence.