Sommet de Lisbonne : L'Europe sociale, c'est pas NET
Le Sommet de Cologne des 3 et 4 juin 2000 devait conclure un Pacte pour
l'emploi. Il a accouché d'un processus supplémentaire, le processus de
Cologne [1] qui renforce le processus de Luxembourg [2] et le processus
de Cardiff [3]. Autrement dit, un tour de manivelle a été donné à
l'activation des allocations de chômage, cible préférée pour
l'application des critères du Pacte de stabilité de l'Union Economique
et Monétaire et de la garantie du bon fonctionnement du Marché Unique.
Les Chefs d'Etat et de gouvernement ont renvoyé les revendications
sociales au Sommet de Lisbonne. Les conclusions de la présidence du
Sommet de Cologne précisaient : « Le Conseil européen se félicite de la
décision de convoquer, sous la présidence portugaise, au printemps de
l'an 2000, une première réunion spéciale du Conseil européen ayant pour
thème « L'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale : vers
une Europe de l'innovation et de la connaissance « , qui examinera les
progrès réalisés dans le cadre des processus de Cologne, de Cardiff et
de Luxembourg ». Nous voici arrivés à la Présidence portugaise qui a
rendu public le texte préparatoire au Sommet de Lisbonne.
La solution est en ligne
Tout Bruxelles frétille d'eurobéatitude ! On se « réjouit » des
intentions de la présidence portugaise qui veut nous projeter dans le
monde de l'innovation, des nouvelles technologies et de la formation
tout au long de la vie. Vite ! Vite ! Concentrons-nous sur le NET pour
rattraper le retard européen sur les performances des Etats-Unis et du
Japon ! Voilà enfin une vision compétitive de l'Union européenne ! Le
NET nous permettra de créer des millions d'emplois ! C'est le rêve
américain à la portée de tous : la multiplication des petites et
moyennes entreprises, ouvertes sur l'international, dans les secteurs à
forte valeur ajoutée, employant en général des personnes très qualifiées
qui vont rejoindre les « gazelles » américaines au palmarès des success
stories économiques ! Ceux qui n'entrent pas dans le cyber espace sont
voués à devenir des travailleurs pauvres occupant des emplois peu
qualifiés, précaires et mal rémunérés.
La Commission européenne, en écho, adopte une Communication présentant
une initiative intitulée : « Europe : une société d'information pour
tous », « dont les principaux objectifs sont de : « faire entrer tous
les citoyens, foyers, entreprises, écoles, administrations dans l'ère
numérique et leur donner un accès en ligne ; introduire en Europe une
culture numérique soutenue par un esprit d'entreprise favorable au
financement et au développement de nouvelles idées ; veiller à ce que
l'ensemble de ce processus ait une vocation d'intégration sociale,
gagner la confiance du consommateur et renforcer la cohésion sociale. » »
La solution est dans la nouvelle économie, dite économie en ligne.
Se mettre en ligne et prendre son pied sur le NET, voire y trouver une
source d'enrichissement personnel et financier, c'est plutôt une
perspective sympathique. MAIS, encore faut-il avoir les moyens d'y
accéder. Comment faire quand les revenus sont insuffisants ! Fichtre ! A
cela, le Sommet de Lisbonne que certains présentent comme le Sommet de
la lutte contre l'exclusion sociale- répond « Le bien-être social ne
consiste pas uniquement en une garantie de revenus, il suppose également
la possibilité d'accéder à des services ». ..et balaye la question des
revenus et de la répartition des richesses ! La solution est dans la
création des services.
Une impulsion sera donc donnée à Lisbonne pour définir deux chartes
(deux de plus !). La première définira les compétences fondamentales qui
auraient une incidence sur le renouvellement des programmes
d'enseignement. La seconde sera une charte européenne des
micro-entreprises. La bonne vieille recette du chèque social revient à
l'ordre du jour. Il permettra de « mettre les chômeurs au travail ». Il
est précisé qu'il sera en faveur des catégories les plus défavorisées.
(pour régler les problèmes de solvabilité des demandeurs potentiels de
ces services). Un groupe de travail de haut niveau définira les
priorités de modernisation de la protection sociale « en mettant
l'accent sur la réalisation d'une étude prospective concernant la
viabilité du régime de pensions à l'horizon 2010-2020. »
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Secrétariat des Marches
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La solution est en ligne
Eradiquer la pauvreté des enfants dans dix ans
Savoir être actif et pauvre à la fois
Encore une carotte
[1] Processus de Cologne (1999) : un dialogue macro économique qui
réunit en Forum les partenaires sociaux, la Banque Centrale Européenne,
le Conseil des Ministres, le Parlement européen et la Commission
européenne. Le premier Forum se tiendra le 2 juin 2000.
[2] Processus de Luxembourg (1997) : Chaque année des lignes directrices
pour l'emploi (employabilité, adaptabilité, esprit d'entreprise, égalité
des chances) sont adoptées. Ceci implique que les Etats présentent
chaque année à la Commission et au Conseil un Plan d'Action National
pour l'emploi.
[3] Processus de Cardiff (1998) : Il met en place l'examen du
fonctionnement des différents marchés (biens, services, capitaux) pour
s'assurer de leur bon fonctionnement et garantir la compétitivité de
l'Union européenne. Cet examen est intégré dans les grandes orientations
de politique économique qui doivent être appliquées dans chaque Etat.
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Eradiquer la pauvreté des enfants dans dix ans
Le document comprend un très court chapitre intitulé « renforcer la
lutte contre l'exclusion sociale ». Il y ait admis que « l'importance
des mutations qu'il y a lieu de prévoir en matière de qualifications
nécessaires pour faire face aux nouveaux défis technologiques des
entreprises porte également en soi le risque de nouveaux processus
d'exclusion sociale. Le problème de l'exclusion sociale exige donc un
grand effort de coordination au niveau européen ». Le Conseil européen
de Lisbonne décidera donc « d'une coordination ouverte (entre les Etats)
pour mettre au point des programmes intégrés et centrés sur les groupes
sociaux en situation de grave exclusion sociale, la priorité étant mise
avant tout sur l'éradication de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2010.
»
2010 ! Autant de temps de gagné, et de bonnes raisons de se retrouver en
conclaves pour commander des rapports, analyser les conclusions de
rapports, les études, l'étalonnage des performances, pour échanger les «
bonnes pratiques », pour examiner entre pairs les politiques menées par
les uns et les autres, pour créer des tableaux de bord et de référence,
etc etc Il y a du pain sur la planche. Mais c'est pas forcément du pain
blanc pour les 60 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil
de pauvreté. D'autant plus que pendant ces dix années, l'Europe va
s'élargir à 27 ou 28 pays selon l'agenda prévu. A chaque fois qu'on se
sera enfin mis d'accord pour définir les items et remplir les cases, il
faudra recommencer, parce qu'entre temps, les données auront changées.
Qu'entendra-t-on par seuil de pauvreté européen dans dix ans, étant
admis par tous que la pauvreté est toute relative ? Alors qu'on peut
supposer que l'extension du Marché unique aux Etats de l'Europe centrale
et orientale aura des effets massifs de délocalisation des industries et
des services à forte densité de main d'oeuvre vers les nouveaux pays
dont le PIB est substantiellement plus bas et « libéralisé ». Quels
seront les effets de (re)distribution liés à l'élargissement ?
Savoir être actif et pauvre à la fois
Les gouvernements s'attachent à montrer qu'ils préparent activement le
Sommet de Lisbonne, en cavalier seul, ou par groupe de deux ou trois.
Ils transmettent leurs avis au Premier Ministre portugais et à la
presse. M.Aznar pour l'Espagne, Mesdames Aubry et Onkelinx avec
Messieurs Vandenbroucke et Salvi pour la France, la Belgique et
l'Italie, Messieurs Blair et Verhofstadt pour la Grande Bretagne et la
Belgique. Les trois documents affirment que la priorité est à la
compétitivité et à la croissance et qu'il ne faut pas oublier la
cohésion sociale. On y trouve l'affichage de l'attachement aux grands
principes du modèle social européen, mais les vieux démons se cachent
derrière les principes. Blair et Verhofstadt veulent « transformer nos
sociétés en Etats actifs sociaux » ; « les droits doivent être
équilibrés par les obligations », « il faut repenser l'organisation de
l'Etat social ». L'avertissement est clair : « le travail pour ceux qui
peuvent travailler, la protection sociale pour ceux qui ne peuvent pas
travailler ». Aznar met sur un pied d'égalité 3 axes majeurs : « achever
la libéralisation du marché de façon à garantir l'achèvement du marché
unique des produits, des personnes et des capitaux ; accélérer le
développement des nouvelles technologies ; renouveler le modèle social
européen en renforçant les systèmes de protection sociale et en
éliminant l'exclusion sociale ». Il se garde bien de préciser que le
premier axe est décidé à la majorité qualifiée, que tout continuera à
aller à une vitesse vertigineuse dans le domaine du marché et que tout
renforcement des systèmes de protection sociale est soumis à l'unanimité
et au droit du veto. Droit de veto qu'il vient lui-même d'utiliser pour
bloquer la directive sur la participation et la consultation des
travailleurs dans les entreprises.
Encore une carotte
Quant à la déclaration des Ministres Aubry, Onkelinx-Vandenbroucke et
Salvi, elle nous promet une Europe « de plein emploi et de cohésion
sociale » et une petite carotte histoire de nous faire marcher jusqu'au
Sommet de Nice. (toujours du temps de gagné, et un report au prochain
Sommet européen). « Afin de donner davantage de visibilité et de
cohérence à nos initiatives en faveur de l'emploi et de la cohésion
sociale, ces thèmes prioritaires pourraient être rassemblés dans un «
agenda social européen » qui pourrait être discuté par tous les acteurs
concernés, à savoir la Commission, le Conseil, le Parlement européen et
les partenaires sociaux. Ce mandat pourrait être donné par le Conseil
européen de Lisbonne, en vue d'une adoption de l'agenda par le Conseil
européen sous la Présidence française »
Martine et Laurette, encore un effort ! Exploitez vos bons coups
médiatiques ! Faîtes le lien entre votre lutte anti-Haider (et sa menace
de veto) et vos promesses de cohésion sociale (précisément soumises aux
risques du veto). Considérez-nous comme les citoyens que nous sommes et
osez poser le débat devant les media ! Ne nous faîtes pas le coup de
l'agenda social intenable à 10 ans si vous ne réagissez pas au risque
du veto sur le social dans cette Machine infernale du marché et de la
monnaie unique qui s'accélère à une vitesse vertigineuse. Osez dire
aussi que vous êtes sous la domination du Conseil ECOFIN des Ministres
de l'économie et des finances et de leurs Grandes Orientations de
Politiques économiques ! Au lieu de vous satisfaire de la baisse du
nombre des chômeurs comme autant de victoires personnelles, posez le
problème de la définition d'une norme d'emploi et arrêtez de produire
des emplois précaires à bas salaires. Vos promesses d''Europe sociale
seraient alors plus convaincantes.
Marie Paule Connan, Collectif
belge des Marches Européennes
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Eradiquer la pauvreté des enfants dans dix ans
Savoir être actif et pauvre à la fois
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