{"id":1423,"date":"2004-03-24T07:35:54","date_gmt":"2004-03-24T06:35:54","guid":{"rendered":"https:\/\/euromarches.org\/?p=1423"},"modified":"2020-12-17T07:36:28","modified_gmt":"2020-12-17T06:36:28","slug":"la-non-garantie-des-droits","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/euromarches.org\/la-non-garantie-des-droits\/","title":{"rendered":"LA NON-GARANTIE DES DROITS"},"content":{"rendered":"

\u00c0 PRESTATION PEUT ABOUTIR AU D\u00c9TRICOTAGE COMPLET DES DROITS SOCIAUX !<\/h3>\n

Marie-Paule Connan (Collectif belge des Marches europ\u00e9ennes)<\/p>\n

La strat\u00e9gie europ\u00e9enne pour l\u2019emploi? Un d\u00e9tricotage m\u00e9thodique des structurations sociales qui met la pression sur les personnes qui ont les plus bas revenus.<\/p>\n

Le projet de Constitution europ\u00e9enne? Le fil serait tir\u00e9 par le haut. Ce serait un d\u00e9shabillage des droits \u00e0 prestations. Il n\u2019y aurait plus de recours possible aux droits.<\/p>\n

Depuis 1997, la politique de l\u2019emploi de l\u2019UE a pour objectif la remise en cause du droit du travail et des conventions collectives. Lorsqu\u2019apr\u00e8s la signature du trait\u00e9 d\u2019Amsterdam, la coordination des Marches europ\u00e9ennes contre le ch\u00f4mage, la pr\u00e9carit\u00e9 et les exclusions a analys\u00e9 le chapitre \u00ab Emploi \u00bb , elle a imm\u00e9diatement alert\u00e9 sur les risques de souffrances sociales que cela pouvait engendrer. Le m\u00e9canisme annonc\u00e9 pr\u00e9voyait de d\u00e9stabiliser la cat\u00e9gorie de travailleurs les plus fragiles et les sans emploi. Le vocabulaire choisi \u00e9tait particuli\u00e8rement culpabilisant: inemployabilit\u00e9, inadaptation, manque d\u2019esprit d\u2019entreprise.<\/p>\n

Il est indiqu\u00e9 dans le trait\u00e9 de l\u2019UE que la politique de l\u2019emploi doit \u00eatre compatible avec les grandes orientations de politiques \u00e9conomiques (GOPE). Qu\u2019\u00e9taient donc que ces GOPE? En lisant les communications de la Commission europ\u00e9enne \u00e0 ce sujet, on y trouvait les buts de concr\u00e9tisation de cette compatibilit\u00e9:<\/p>\n

\u00ab Pour obtenir les r\u00e9sultats voulus, un \u00e9largissement de l\u2019\u00e9chelle de salaires vers le bas suppose une r\u00e9duction de 20 \u00e0 30% du co\u00fbt salarial des activit\u00e9s peu qualifi\u00e9es, comme cela a \u00e9t\u00e9 le cas par exemple, aux \u00c9tats-Unis dans les ann\u00e9es 1970 et 1980.<\/p>\n

En outre, pour \u00eatre efficace, une telle mesure n\u00e9cessiterait en Europe, une r\u00e9duction \u00e9quivalente des allocations de ch\u00f4mage et des prestations sociales afin d\u2019\u00e9viter le pi\u00e8ge de la pauvret\u00e9.<\/p>\n

Une telle m\u00e9thode se traduirait, par une r\u00e9partition plus in\u00e9gale des revenus et cr\u00e9erait \u00e0 la limite, des cat\u00e9gories de pauvres bien qu\u2019ayant un emploi, incapables de vivre d\u00e9cemment de leur salaire. […] Il est int\u00e9ressant de noter qu\u2019aux \u00c9tats unis, cela a justifi\u00e9 un changement de cap vers la mise en place d\u2019un dispositif d\u2019aide sociale, sous la forme d\u2019un cr\u00e9dit d\u2019imp\u00f4t sur les revenus salariaux (Earned-Income Tax Credit).<\/p>\n

En Europe, cela signifierait qu\u2019une partie de l\u2019argent \u00e9conomis\u00e9 sur les allocations de ch\u00f4mage devrait \u00eatre r\u00e9affect\u00e9e \u00e0 d\u2019autres formes de transferts sociaux, et ne permettrait donc pas d\u2019all\u00e9ger les contraintes pesant sur les budgets publics.<\/p>\n

Une telle r\u00e9duction des co\u00fbts salariaux serait d\u00e8s lors difficile d\u2019appliquer dans l\u2019Union, bien qu\u2019il soit possible d\u2019y contribuer par des conventions collectives pragmatiques entre partenaires sociaux, pr\u00e9voyant notamment des salaires d\u2019insertion pour les ch\u00f4meurs longue dur\u00e9e. \u00bb<\/p>\n

(Communication: \u00ab Croissance et emploi dans le cadre de stabilit\u00e9 de l\u2019UEM \u00bb, R\u00e9flexions de politique \u00e9conomique en vue des grandes orientations de 1998. COM (1998 , mai1997).<\/p>\n

Les GOPE d\u2019\u00c9cofin actionnent et fa\u00e7onnent les syst\u00e8mes nationaux selon un rythme imparable qui impose chaque ann\u00e9e des \u00ab recommandations \u00bb aux \u00c9tats qui doivent faire un rapport sur l\u2019application de ces diktats. Les rapports sont \u00e9valu\u00e9s et se concluent, le cas \u00e9ch\u00e9ant, par un bl\u00e2me.<\/p>\n

L\u2019\u00e9valuation tourne toujours autour des m\u00eames termes, ass\u00e9n\u00e9s chaque ann\u00e9e: \u00ab C e rtaines avanc\u00e9es sont constat\u00e9es, mais les d\u00e9cideurs ne doivent pas rel\u00e2cher leurs effort s. […]<\/p>\n

Les \u00c9tats membres doivent s\u2019attaquer au manque de flexibilit\u00e9 du march\u00e9 du travail, pre n d re des mesures pour r\u00e9former les syst\u00e8mes de prestations . \u00bb Sept ans apr\u00e8s, force est de constater que cette strat\u00e9gie a \u00e9t\u00e9 appliqu\u00e9e \u00e0 la lettre.<\/p>\n

L\u2019AVENIR DE LA STRAT\u00c9GIE EUROP\u00c9ENNE POUR L\u2019 EMPLOI<\/h3>\n

La Commission europ\u00e9enne a r\u00e9dig\u00e9 une s\u00e9rie de communications qui annoncent une domination totale des d\u00e9cisions des ministres de l\u2019\u00e9conomie et des finances (Conseil \u00c9cofin) par une \u00ab rationalisation des processus europ\u00e9ens mis en place pour la coordination de la lutte contre l\u2019exclusion sociale, la strat\u00e9gie europ\u00e9enne pour l\u2019emploi, la mise en \u0153uvre du mar – ch\u00e9 int\u00e9rieur (privatisation des services publics) et les GOPE \u00bb .<\/p>\n

Les GOPE seront la locomotive de ce processus planifi\u00e9 tous les trois ans. Pour cela, le Conseil \u00c9cofin a annonc\u00e9 ses priorit\u00e9s qui annoncent un nouveau renforcement des sanctions \u00e0 l\u2019encontre des personnes menac\u00e9es ou frapp\u00e9es par le ch\u00f4mage et l\u2019exclusion sociale. Il sera demand\u00e9 aux \u00c9tats de r\u00e9viser les syst\u00e8mes de prestations afin \u00ab qu\u2019ils favorisent la participation au march\u00e9 du travail et d\u00e9jouent les pi\u00e8ges de la pauvret\u00e9 et du ch\u00f4mage \u00bb; il faudra aussi qu\u2019ils r\u00e9forment leurs r\u00e9gimes d\u2019imposition et leurs syst\u00e8mes de formation des salaires \u00ab afin qu\u2019ils tiennent compte du lien entre l\u2019\u00e9volution sociale, la stabilit\u00e9 des prix et les conditions du m a rch\u00e9 du travail \u00bb. Les ministres de l\u2019\u00e9conomie et des finances demandent aussi de \u00ab renforcer l\u2019efficacit\u00e9 des pro – grammes actifs du march\u00e9 du travail, d\u2019am\u00e9liorer la mobilit\u00e9 des travailleurs, d\u2019accro \u00ee t re l\u2019offre de main d\u2019\u0153uvre dans tous les groupes pertinent s \u00bb (personnes plus \u00e2g\u00e9es, femmes, immigr\u00e9s et jeunes).<\/p>\n

Pour imaginer l\u2019avenir, tel qu\u2019il est pr\u00e9vu par l\u2019id\u00e9ologie dominante des institutions europ\u00e9ennes, il faut \u00e9tablir le lien entre ce processus unique (inique ?) de coordination des politiques \u00e9conomiques, de concurrence, de privatisation des services publics, de protection sociale int\u00e9grant l\u2019inclusion sociale, la sant\u00e9 et les pensions et l\u2019exclusion des droits \u00e0 prestation de la liste des droits communs aux \u00c9tats membres de l\u2019UE.<\/p>\n

L\u2019AVENIR DES DROITS \u00c0 PRESTATION ?<\/h3>\n

La Charte des droits fondamentaux de l\u2019UE, int\u00e9gr\u00e9e dans le projet de Constitution europ\u00e9enne (partie 2), ne reconna\u00eet ni le droit au travail, ni le droit aux prestations sociales (pensions de retraite, allocations de ch\u00f4mage, etc.), ni le droit au revenu d\u2019existence, ni le droit au logement…, mais simplement la libert\u00e9 \u00ab de travailler \u00bb et d\u2019aller chercher un emploi dans un autre \u00c9tat membre, l\u2019\u00ab acc\u00e8s aux prestations \u00bb et \u00e0 \u00ab une aide sociale \u00bb lorsqu\u2019elles existent. Il n\u2019est nullement question de droits justiciables mais de simples objectifs \u00e0 atteindre, et encore avec un b\u00e9mol: \u00ab Selon les modalit\u00e9s \u00e9tablies par le droit communautaire et les l\u00e9gislations nationales. \u00bb En outre, cette charte ne consacre pas de droits transnationaux \u00e0 l\u2019action syndicale et \u00e0 la gr\u00e8ve.<\/p>\n

Par contre, le projet de Constitution impose des crit\u00e8res de convergence tr\u00e8s pr\u00e9cis et drastiques pour le march\u00e9, la monnaie, la lib\u00e9ralisation des services publics et la r\u00e9duction des co\u00fbts de la protection sociale.<\/p>\n

Certes, les \u00c9tats sont libres de faire ce qu\u2019ils veulent avec leurs syst\u00e8mes de protection sociale, mais \u00e0 condition qu\u2019ils r\u00e9duisent leurs d\u00e9penses. Pour le social, rien n\u2019est obligatoire. Ce qui implique que la redistribution des richesses n\u2019est pas pr\u00e9vue.<\/p>\n

Peut-on imaginer un sursaut et une proposition de loi europ\u00e9enne qui aurait pour objectif le progr\u00e8s social? Lorsqu\u2019on lit le projet de Constitution, cela para\u00eet impossible car il faudrait l\u2019unanimit\u00e9 des vingt-cinq \u00c9tats membres.<\/p>\n

De tr\u00e8s grandes in\u00e9galit\u00e9s existent d\u00e9j\u00e0 entre les vingtcinq \u00c9tats et le risque est grand de les voir s\u2019approfondir. La Constitution europ\u00e9enne deviendrait alors le support de l\u2019organisation de la convergence vers le bas et d\u2019un dumping social \u00e0 outrance.<\/p>\n

Nous attendons \u00e9videmment, toutes et tous, autre chose d\u2019une telle constitution.<\/p>\n

Celle qui a \u00e9t\u00e9 r\u00e9dig\u00e9e pr\u00e9sente une tr\u00e8s forte r\u00e9gression au regard des accords internationaux de l\u2019apr\u00e8s-seconde guerre mondiale. Dans la D\u00e9claration des droits de l\u2019homme de 1948 et dans la charte sociale de Turin de 1961, le but \u00e0 atteindre \u00e9tait de rendre obligatoire dans tous les pays:<\/p>\n