Université d'été des Marches Européennes Khalkidiki

Mardi 1er septembre 1998

GLOBALISATION ET NOUVEL INTERNATIONALISME

Patrice Spadoni

AC! - Agir ensemble contre le Chômage (France)
Secrétariat européen du réseau des marches européennes.

L'intitulé qui m'a été proposé pour cette intervention peut sembler écrasant. Et pourtant la question est de la plus haute importance.

En effet l'internationalisation des luttes ne va pas de soi. Le mouvement social accuse un terrible retard. Certes on peut évoquer les Marches européennes de 1997. Ou les solidarités internationales des dockers. Ou encore les quelques mouvements européens de cheminots, et la prochaine action commune des routiers le 7 septembre.
Mais déjà l'exemple de Renault Vilvoorde est contradictoire. Car tandis que les équipes syndicales locales se mobilisaient et que se tenaient des manifestations internationales d'ouvriers, les organisations syndicales espagnoles de la CES (l'UGT et les Commissions ouvrières) jouaient un double jeu. D'un côté elles participaient aux manifestations. De l'autre, elles concluaient un accord avec la direction de Renault, organisant le reversement vers l'Espagne d'une partie de la production de l'usine en fermeture...

C'est dire si le mouvement syndical traditionnel se fourvoie...

L'EXPÉRIENCE DES MARCHES EUROPÉENNES

L'expérience des Marches européennes peut nous apporter un premier éclairage. Nous nous trouvons en effet concrétement confrontés à la question : « Comment unifier nos luttes ? »

Nous rencontrons dans les différents pays les mêmes politiques néolibérales, avec quelques nuances. Mais ces politiques convergent à travers des réalités et des formes multiples, elles s'inscrivent dans des cadres institutionnels et sociaux très différenciés. Si bien que nous avons le plus grand mal à adopter des revendications communes avec des définitions immédiates et concrètes. Ainsi, la réduction massive du temps de travail se traduit difficilement par un chiffrage commun - les 35, ou les 32 heures...

S'ajoutent à ces difficultés objectives la grande diversité des histoires et des cultures syndicales et politiques. Songeons que les Marches européennes présente un spectre très large, des anarcho-syndicalistes de la CGT espagnole aux syndicalistes chrétiens de Belgique, par exemple...

« Inventer ensemble » se révèle un exercice passionnant mais complexe, qui rencontre nécessairement des limites.
Pourtant l'enjeu est ambitieux : aller progressivement vers une mondialisation des luttes sociales, qui tienne tête à la mondialisation du capital. La coordination des luttes dans le cadre de l'Europe étant un relais, tout en développant, en parallèle, des liens hors de l'Europe, tant en direction des indiens zapattistes que des ouvriers coréens par exemple...

LES INCIDENCES DE LA MONDIALISATION ET DES PROGRESSIONS DU LIBÉRALISME SUR LE MOUVEMENT OUVRIER

Ces incidences n'observent pas un simple enchaînement linéaire de causes et d'effets, mais un processus dialectique complexe.

Objectivement, la mondialisation offre les bases matérielles d'une homogénéisation des conditions et donc aussi des revendications et des objectifs. Ainsi se développent les bases matérielles et subjectives favorables à « un nouvel internationalisme ».

Mais la mondialisation du capital s'appuie dialectiquement sur les survivances d'un morcellement national de la vie politique et social, et notamment sur l'enfermement du mouvement syndical dans les cadres nationaux. La mondialisation joue de la concurrence entre les travailleurs, et des inégalités de revenus et des acquis sociaux. Aussi la mondialisation peut-elle également favoriser les replis nationalistes et les regains de xénophobie.

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CONFÉRENCE DE PRESSE

INTERVENTION EN CONCLUSION DU DÉBAT SUR LES QUESTIONS SYNDICALES

INTERVENTION DE CLÔTURE

QUAND UN CAPITALISME ET UN LIBÉRALISME TRIOMPHANTS RENCONTRENT UN MOUVEMENT OUVRIER EN CRISE

La crise du mouvement ouvrier peut être déclinée de plusiers façons :

C'est une crise de son assise sociale. Avec le morcellement progressif du prolétariat, qui ne signifie pas sa disparition mais la multiplication de ses formes. Avec le chômage et la précarité qui s'affirment comme des dimensions massives et durables.

Crise d'adaptation aux nouvelles aspirations qui traversent notamment la jeunesse. Aspirations à l'autonomie de la personne, à la libération et à l'égalité des femmes, à l'écologie, etc...

Aussi, crise de repère, pour des mouvements sociaux construits dans les cadres nationaux, face à un capitalisme qui se pense et s'édifie sur un champ planétaire.

La crise du mouvement ouvrier est également une crise de perspective politique, de stratégie de transformation de la société, d'idéologie. Cette crise d'orientation politique a une face évidente et une face masquée. La face évidente accompagne l'effondrement de l'Union soviétique et de ses satellites. Crise concrète d'un système concret, mais également, mort d'un mythe. La crise masquée est celle de la social-démocratie.

CRISE ET SUCCÈS PARADOXAUX DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE

Nous assistons à un paradoxe historique. Bientôt peut-être tous les pays de l'Europe des quinze seront gouvernés par des partis « de gauche ». Mais parallèlement l'orientation social-démocrate de ces partis est en crise.

Ce paradoxe accompagne un renversement historique dans la stratégie capitaliste de développement.

La période d'expansion ouverte après la seconde guerre mondiale, reposant sur un compromis entre le capital et le travail, avait offert un « socle historique naturel » à la social-démocratie, reposant sur une « heureuse rencontre » entre les intérêts du capitalisme et la capacité de la social-démocratie à jouer l'interface entre les classes dominantes et le prolétariat.

Or nous sommes entrés dans une phase historique nouvelle, une période de néolibéralisme qui repose sur une remise en cause brutale de l'ancien compromis. La crise sociale, le chômage, la précarité, sont devenus les armes pour museler le prolétariat et, conséquemment, pour accroître les profits.

Le socle naturel de la social-démocratie s'est donc effondré, tandis que contradictoirement les formes politiques qu'elle avait fait grandir survivent et se développent en s'adaptant. Cette adaptation passe par l'abandon progressif des programmes sociaux-démocrates, au profit d'un néolibéralisme social.

L'une des conséquences majeures de ce processus nous concerne de très près. C'est la crise du modèle d'articulation organique entre Parti de gouvernement et mouvement syndical ou associatif. L'affirmation du néolibéralisme des Partis de gouvernement génére des difficultés grandissantes dans le monde syndical, avec des crises, des transformations, ou des morcellements. Songeons à l'avenir de la relation travailliste traditionnelle entre le Labour et les Trade Unions, où à la domination du PASSOK sur la CGT...

EN ALTERNATIVE, UNE LOGIQUE DE MOUVEMENT SOCIAL

C'est dans ce contexte de crise du mouvement ouvrier que nous avons à inventer des formes nouvelles de lutte, et une place nouvelle pour le mouvement social. Il s'agit d'élaborer un nouveau PROJET d'antagonisme face au capitalisme, avec de nouvelles « utopies » au sens positif du terme.

Pour nous avancer dans cette direction, nous n'avons pas de « clés » toutes faites. Mais nous pouvons évoquer quelques unes des pistes qui semblent se dégager.
A travers les nouveaux mouvements sociaux, ne voyons-nous pas émerger une démarche de « Gauche sociale », dissociée de celle de la « Gauche de gouvernement » ? Cette Gauche sociale inscrit son action dans le mouvement social, tant syndical qu'associatif, elle ne se donne pas la mission de gérer le capitalisme, mais plutôt de construire des « Contre-pouvoir ».
Ne pouvons-nous pas également déceler, avec des formes et des rythmes évidemment différents selon les pays, un processus historique d'autonomisation du mouvement syndical et social par rapport aux Partis, avec une élaboration de ses propres orientations stratégiques de transformation de la société ?

UN « NOUVEL INTERNATIONALISME » :
PROJET AMBITIEUX, ET DÉMARCHE MODESTE

A travers, entre autres, le réseau des Marches européennes, nous contribuons aux liens de toutes les forces associatives et syndicales qui s'opposent au libéralisme, y compris sous la forme d'un néolibéralisme social.
Une des voies que nous avons choisie est de nous appuyer sur l'émergence de nouvelle figures sociales : les luttes des chômeurs et des « exclus ». Non pas pour les opposer aux salariés ou au syndicalisme en tant que tel. Mais au contraire comme l'un des leviers pour une rénovation du Mouvement ouvrier, et pour l'élaboration d'une Alternative au libéralisme. Sans les quelles il ne saurait y avoir de lutte efficace contre le chômage.
Cette démarche ne saurait bien sûr s'enfermer dans l'Europe des quinze. C'était déjà pour cela que les Marches européennes de 1997 étaient parties symboliquement du Maroc et de Bosnie. Dans la présente réunion, nous serons donc très attentifs aux interventions des délégations des pays Balkans ou de la Turquie.

Pour réussir cette démarche, il faut d'abord des objectifs communs susceptibles de mobiliser effectivement salariés et chômeurs des différents pays. C'est pourquoi je terminerai cette intervention en lançant quelques questions à l'assistance :
Quels sont, dans vos différents pays, les échos et les difficultés rencontrées pour faire avancer des revendications telles que les 35 ou les 32 heures hebdomadaires, ou le revenu permettant à tous de vivre dignement, ou encore l'harmonisation vers le haut des droits acquis?

C'est en abordant ces questions concrètes, et en contribuant ainsi à l'organisation vivante de luttes vraiment communes, que nous ferons avancer l'internationalisme de demain.

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