Marches Européennes
contre le chômage, la précarité et les exclusions

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Quelles perspectives ?

L’AGENDA DE LISBONNE : PLUS D’EMPLOIS DE MEILLEURE QUALITÉ ?

Intervention de Eric Conroy (secrétaire général de l’INOU, Irlande)

L’objectif social de l’Agenda de Lisbonne était de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique et durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». La stratégie de Lisbonne affiche également comme objectif d’« éradiquer la pauvreté  » d’ici 2010.

l’Irish National Organization of the Unemployed (INOU) se félicite de la décision du Premier ministre de faire de la stratégie de Lisbonne une priorité de la présidence, plus particulièrement en ce qui concerne « plus d’emplois de meilleure qualité ». Nous sommes préoccupés par le constat de certains gouvernements et médias qui décrivent la stratégie de Lisbonne comme une version déguisée de la compétitivité. La stratégie de Lisbonne repose sur une programmation sur dix ans (2000-2010) et s’appuie sur trois piliers: une croissance économique durable, plus d’emplois de meilleure qualité et l’inclusion sociale.

L’Agenda de Lisbonne est réexaminé chaque année au sommet de printemps de l’UE. Dans le cadre de la présidence irlandaise, Bernie Ahern présidera les discussions du prochain sommet de printemps à Bruxelles. Par conséquent, l’Agenda de Lisbonne figurait au premier plan du programme de la conférence « Soutenir le progrès » en janvier2004 dans laquelle je suis intervenu pour dire que dans le débat sur « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », on insiste généralement sur le segment très qualifié du marché, c’est-à-dire correspondant à un niveau d’étude supérieure et des emplois de haute technologie pour tous. Le think tank mis en place par Tanaiste Mary Harney en vue d’étudier d’où viendraient ces emplois de haute technologie pour les dix années à venir intègre cette vision politique. Cela semble plutôt sympathique, mais peu réaliste dans ses objectifs. Nous ne devons pas perdre de vue la nécessité, tout d’abord, d’un emploi pour tous et cela dans tous les domaines du marché de l’emploi. Tout emploi, rémunéré au salaire minimum en vigueur, est mieux que pas d’emploi du tout. Quand un emploi est stable, il devrait être perçu comme un tremplin vers un meilleur emploi avec l’appuie nécessaire (éducation, formation, politique active de l’emploi, etc.) de façon à permettre au salarié de progresser vers un emploi de meilleure qualité et mieux payé.

Quelques personnes, pour des raisons très valables, ne pourront pas accéder aux postes exigeant un niveau élevé de qualification. Elles ne doivent pas être exclues pour autant dans leur recherche de travail. Ce dont nous avons besoin c’est une approche holistique où la création d’emplois a lieu à tous les niveaux d’activité économique.

En outre il y a des gens qui, pour de bonnes raisons à long terme et à court terme, ne peuvent pas accéder au marché du travail. Si « une plus grande cohésion sociale » a un sens ils ne doivent pas être laissés de côté dans cette Europe plus dynamique.

Le rapport de la task force sur l’emploi (présidé par Wim Kok) a soulevé les questions importantes en fixant les objectifs d’élévation des taux d’emploi et d’abaissement des niveaux du chômage en Europe jusqu’à 2010. 40% des 14 millions de chômeurs en 2003 sont des chômeurs de longue durée! Ce qui veut signifie que 5,6 millions de personnes éprouvent la misère d’être sans travail pour douze mois ou plus. Ce sera un problème difficile (mais non insurmontable) à résoudre dans le contexte des idéaux de Lisbonne.

Les objectifs de taux d’emploi de Lisbonne sont ambitieux : 70% en général, 60% pour les femmes et 50% pour les ouvriers les plus âgés (55-64 ans). On s’attend à ce que le taux global actuel de 64,2% atteigne 65% d’ici 2005 – l’objectif à moyen terme sera manqué ainsi de 2%. Le taux d’emploi féminin a grimpé sensiblement ces dernières années pour atteindre 55,6% (particulièrement en Irlande pendant les années de forte croissance) mais cela ne doit pas faire illusion sur la difficulté d’atteindre les objectifs de Lisbonne. L’objectif d’un taux de 50% pour des ouvriers les plus âgés d’ici 2010 constitue un défi important. Pour réussir cela, l’Europe devra employer en plus 7 millions de travailleurs dans cette catégorie sur les sept prochaines années donc 1 million par an.

Les politiques visant à diminuer l’âge de départ à la retraite et pour décourager le travail après l’âge normal de ce départ doivent être inversées. Si aucun changement n’intervient, le vieillissement de la population fera peser d’énormes fardeaux sur les fonds de pension, de retraite et de Sécurité sociale. L’allongement de la durée de vie signifiera plus de charges sur l’emploi pour financer les dépenses sociales en direction de ceux qui ne travaillent pas et pour soutenir l’inclusion sociale. En maximisant l’emploi et en encourageant la participation au marché du travail, nous ne devons pas perdre de vue ceux qui sont déjà sur le marché du travail, mais sans travail, et particulièrement ceux qui sont des chômeurs de longue durée. En Irlande, FAS , dans son examen récent du marché du travail, a décidé qu’une plus grande importance devrait désormais être accordée à élever le niveau de qualification de la main-d’œuvre existante. En fait, il ne devrait pas y avoir une priorité pour les uns plutôt que pour les autres. Nous revendiquons une approche globale pour satisfaire les besoins de formation aussi bien des ouvriers de faible qualification que des chômeurs. C’est ce qui garantira la réalisation d’une économie dynamique, la réussite des objectifs de Lisbonne et de l’inclusion sociale.

Avec l’élargissement de l’UE, la réalisation des objectifs de Lisbonne sera encore plus difficile. Le taux de chômage moyen des dix pays entrants est de 15% (20,6% en Pologne comme l’Irlande dans les années 1980) par comparaison avec le taux courant de 8,1% pour l’Europe des Quinze. Leur taux d’emploi est de 56% (64% pour l’Europe des Quinze). En outre, on peut craindre que les bas niveaux de salaires à l’Est amènent les entreprises à se re localiser à l’Est comme cela se produit déjà.

Nous voulons également attirer l’attention sur l’objectif de Lisbonne qui consiste à diminuer les disparités régionales dans des taux d’emploi. Chaque heure, il y a des suppressions d’emploi dans des secteurs ruraux, tout récemment à Cahirciveen et Waterford. Il n’y a plus maintenant aucun travail de fabrication à Cahirciveen. Dublin ne cesse de grandir aux dépens du reste du pays. Il est inquiétant de voir que des compagnies soient disposées à renoncer à des aides pour des implantations en régions pour s’installer à Dublin. Nous avons besoin d’un développement du territoire équilibré pour qu’il y ait du travail dans les secteurs ruraux. Il y a donc beaucoup de travail à faire et le Taoiseach en a fait une question importante pendant sa présidence de l’UE. Nous approuvons cela et attendons avec intérêt de voir comment cela va se traduire concrètement cette politique.

Nous réitérons les commentaires de Pat Cox, président du Parlement européen, qui a déclaré que le processus de Lisbonne a déjà produit trop de mots. Il a réclamé la suppression des conclusions excessives, demandé que l’accent soit mis sur des objectifs concrets et que plus d’importance soit accordée à l’action. Parmi ces actions, il devrait y avoir plus d’investissements dans la recherche et le développement. C’est particulièrement vrai en Irlande. Ceci permettra le développement de nouveaux produits et services, et par conséquent sauvegardera le travail existant et la création de nouveaux travaux. Cependant, dans les efforts pour obtenir des postes de travail plus nombreux et plus qualifiés, dans un contexte de concurrence, nous ne devons pas perdre de vue le côté humain et social du problème. Beaucoup de stratégies qui disent tenir compte des aspects sociaux du chômage semblent être en fait surtout préoccupées par l’objectif de l’efficacité économique. Ces politiques de l’emploi devraient plutôt se donner comme priorités les besoins de la cohésion sociale et les besoins des personnes de vivre dans la dignité. Ewa Hinka, secrétaire de la Fédération des comités de défense des droits des chômeurs de Poméranie

Depuis plus d’une décennie, nous subissons un système social et économique de misère et d’humiliation d’un peuple qui vit dans une pauvreté extrême! Alors, la question se pose: à quand un avenir meilleur?

On nous a seriné pendant des années que le chemin que nous suivions nous mènerait vers l’Europe, vers son niveau de vie, ses salaires dignes, ses retraites et sa protection sociale. Ces prédictions ne se sont pas vérifiées. En construisant un système d’exploitation féroce des travailleurs et des chômeurs, en permettant l’apparition des fortunes inimaginables dans un pays où les enfants vont à l’école la faim au ventre, où les retraités ont le choix entre s’acheter des médicaments ou de la nourriture et où les chômeurs privés de voix n’ont plus rien, nous suivons un chemin qui nous mène tout droit vers le tiersmonde. Aujourd’hui, les politiciens, de gauche comme de droite, ne disent plus rien des gens rejetés, privés des droits inscrits dans la Constitution, littéralement effacés de la mémoire sociale ; ils osent même dire que nous sommes les responsables de cette situation. On nous prédisait qu’un bel avenir se dessinait devant nous. Sous le régime précédent, on vivait modestement, mais on avait du travail, la protection sociale, et les lois écrites étaient respectées.

Depuis plusieurs années, nous observons la politique sociale et économique de la voïvodie de Poméranie et la façon dont les autorités régionales s’y prennent. C’est pourquoi nous a ffirmons avec la plus grande fermeté que la région de Poméranie ne s’arrête pas aux frontières de l’ancienne voïvodie de Gdansk. Ce n’est pas nous qui avons fixé la nouvelle région administrative et nous exigeons un développement équilibré de toutes ses composantes.

Nous nous solidarisons avec les ouvriers des chantiers navals de Gdansk et nous comprenons leurs problèmes. Mais, nous ne pouvons pas permettre que 200000 chômeurs de la voïvodie de Poméranie et leurs familles restent des témoins passifs des bousculades politiques entre des politiciens rapaces, avides de pouvoir et qu’on envoie une armée de plusieurs milliers de policiers contre des gens innocents qui réclament leurs droits.

Pour les politiciens, la démocratie signifie: un capitalisme barbare et sanguinaire; le pillage et le bradage des richesses nationales; la bureaucratisation et le piston pour les copains; 80% des citoyens vivant sur le seuil de la misère.

Le taux de chômage est de 20% en Pologne et de 40% dans notre voïvodie, il libère en nous la détermination de lutter pour le pain. Est-ce pour une telle Pologne qu’ont combattu nos parents et grands-parents?

Nous vous mettons en garde: le mouvement social s’étend, nous sommes de plus en plus nombreux. Nous ne soutenons pas ce type de démocratie où certains vivent dans l’opulence tandis que d’autres fouillent dans les décharges où il n’y a plus de place pour tout le monde.

Nous exigeons des moyens financiers pour atténuer les conséquences du chômage, pour l’aide sociale, pour des travaux d’intervention et d’utilité publique. L’actuelle répartition des moyens financiers ne nous satisfait pas. Nous nous sentons volés par les grandes agglomérations. La ville de Gdansk embellit, mais aux dépens des communes et du département.

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