SEPT QUESTIONS VIVES QUI CONDITIONNENT LES
PERSPECTIVES
Synthèse des interventions qui ont suivi la table ronde et les commissions par
Jean-Guy Dufour
L’ ÉLARGISSEMENT DE L’UE : COMMENT L’ESPOIR
PEUT- IL L’EMPORT ER SUR LE SCRAINTES ?
Une expérience intéressante de connaissance mutuelle et
de coopération s’est développée entre les associations de chômeurs
d’Allemagne et celles de Pologne à travers des initiatives
ponctuelles et le développement de liens informels. Tous
pensent qu’il est nécessaire de développer ce mouvement,
tout particulièrement autour de projets concrets. Il est utile
aussi de tirer le meilleur parti d’initiatives officielles d’échanges
et de coopération comme celles de l’eurorégion de
Poméranie.
Une telle coopération permet non seulement de s’entraider
mais aussi de mieux se connaître, de mieux comprendre
la situation de chacun et ainsi de mieux combattre ensemble
les réflexes xénophobes qui risquent de se développer. Cette
coopération permet ainsi de faire grandir ensemble l’exigence
de mêmes droits élevés à l’Est comme à l’Ouest.
En effet, on sait que de grandes craintes existent dans
les populations, aussi bien de l’Est que de l’Ouest, sur les
e ffets de l’élargissement. À l’Est, il ya la crainte de la disparition
entière de secteurs d’activité trop en retard; à l’Ouest,
celle de la concurrence de travailleurs de l’Est se contentant
de très peu, de pertes de subventions européennes à répartir
sans augmentation sur de nouveaux pays, de délocalisations
d’activités de l’Ouest vers l’Est. Ces craintes sont-elles fondées ? Il est bien difficile de le dire maintenant et on devra
observer de près l’évolution de la situation ensemble.
Mais ce qui est certain, c’est que ce qui produit le chômage
et la précarité, c’est la politique économique et sociale
de l’UE et que c’est toujours celle-ci qui risque de rendre
l ’ élargissement dangereux pour les peuples et non pas l’élargissement
en lui-même qui, au contraire, augmente les possibilités
de l’Europe de suivre une autre voie que celle de la
mondialisation libérale en renforçant son autosuffisance économique.
Il n’y a donc qu’une seule parade: agir pour obtenir
des droits indivisibles de l’Est à l’Ouest de l’UE et une
citoyenneté reconnue sans différence pour celles et ceux qui
vivent sur son sol, quelles que soient leurs origines.
SALAIRE ET REVENU MINIMA GARANTIS ? COMMENT ?
A QUELS NIVEAUX ?
L’Agenda 2010 du gouvernement allemand signifie que
des millions de travailleurs – et surtout de travailleuses – vont
être obligés d’accepter des salaires en dessous des minima
prévus par les conventions collectives. Dans le nettoyage,
l’hôtellerie, les salaires oscillent déjà entre 944 euros et 1380
euros brut par mois. Aussi la revendication d’un salaire minimum
garanti, inexistant pour l’instant en Allemagne, granditelle. Ainsi, le syndicat de l’alimentation revendique un
salaire minimum de 1500 euros brut par mois. Le syndicat
des services Verdi veut développer la lutte contre le travail
forcé des chômeurs. Par contre, l’IG Metall, représentatif d’un
secteur où le rapport de forces est meilleur, a peur que l’ins-
tauration d’un Smic tire les salaires vers le bas et que le système
contractuel qui fait la force des syndicats allemands soit
mis à mal par de telles mesures. D’où l’importance de la revendication
d’un salaire minimum suffisamment élevé. L’ idée
circule d’opposer l’Agenda 30-10 à l’Agenda 2010 : 30 heures
par semaine pour 10 euros de l’heure minimum.
Dans tous les pays, le débat sur le niveau du salaire minimum
est d’ailleurs lié à celui du revenu minimum à garantir
aux personnes privés d’emploi. Partout, la politique de l’emploi
pousse la tendance à la baisse de ces deux minima et,
face à cela, les positions sont actuellement très diverses. Fautil
une différence entre salaire minimum et revenu minimum?
Faut-il indexer ceux-ci sur le PIB ou sur le salaire moyen?
Faut-il parler d’un Smic journalier calculé à partir du coût
d’un panier de biens et garanti que l’on soit dans une période
sans emploi ou dans une période avec emploi, comme le réfléchissent
les intermittents du spectacle en France ? Actuellement,
les Euromarches revendiquent un revenu minimum
garanti mensuel égal à 50% du PIB par personne et, dans son
principe en tout cas, cette revendication est assez consensuelle.
Malgré tout, le débat doit être approfondi à partir d’une
connaissance précise de la façon dont le salaire minimum est
calculé dans chaque pays.
SANS LA RECONNAISSANCE DE LA CITOYENNETÉ DE
RÉSIDENCE POUR CELLES ET CEUX QUI VIVENT EN
EUROPE, QUELLES QUE SOIENT LEURS ORIGINES ,
NOUS SOMMES TOUS AFFAIBLIS DANS LA LUTTE POUR
NOS DROITS
La commission « immigration » a fait un constat clair de
la situation bien souvent dramatique des migrants dans l’actuelle
UE, qu’ils soient originaires d’Europe de l’Est ou
d’ailleurs. Cette situation permet à beaucoup de patrons de
les employer, légalement ou illégalement, à moindre prix, en
exerçant ainsi une forte pression à la baisse sur l’ensemble
des salaires de certains secteurs (construction navale, bâtiment,
agriculture, etc.). C’est donc une nécessité pour toutes
et tous que d’obtenir d’urgence de l’UE et des pays membres
le droit à la régularisation de tous les immigrés et la fermeture
des centres de rétention. Au-delà, la reconnaissance de
la citoyenneté de résidence donnant les mêmes droits aux résidents
sur le territoire de l’UE, quelle que soit leur nationalité,
est une exigence que partagent tous les mouvements du
Réseau pour une Europe démocratique et sociale.
LE CHOIX CRUCIAL POUR L’EUROPE : L’ÉCONOMIE AU
SERVICE DES DROITS ET NON L’INVERSE !
Les questions soulevées par la commission « Droits
sociaux, citoyennetés et questions constitutionnelles » sont
d’une très grande importance.
La construction européenne ne pourra entraîner l’adhésion
des peuples que si elle signifie que l’économie sert les
progrès effectifs des droits sociaux alors qu’aujourd’hui, c’est
l’inverse qui est constaté dans la plupart des pays.
LA COOPÉRATION ENTRE SYNDICATS , ORGANISATIONS
DE CHÔMEURS ET MOUVEMENTS SOCIAUX DOIT
PROGRESSER
En général, cette coopération est, à l’heure actuelle, très
insuffisante. De ce point de vue, on peut noter deux situations
très contrastées.
En Allemagne, le succès de la manifestation, en riposte à
l’Agenda 2010 de la coalition gouvernementale rouge-verte,
organisée en novembre 2003 conjointement par les syndicats
et les organisations de la mouvance altermondialiste a profondément
changé les rapports entre syndicats et mouvements
sociaux. Le 3 avril, les manifestations vont être très importantes
et les organisations de chômeurs vont s’y exprimer. Le
syndicat Verdi fait une place de plus en plus notable aux chômeurs
et les revendications de revenu minimum et de Smic
avancent dans les syndicats.
En Pologne, par contre, la situation est catastrophique de
ce point de vue. Les syndicats, qui n’existent plus guère que
dans les services d’État, ignorent totalement les chômeurs
et leurs revendications sauf pour les appeler à figurer dans
leurs manifestations.
Et en France, la CFDT met en œuvre avec le patronat des
attaques très dures contre les chômeurs.
UN GRAND EFFORT D’INFORMATION DE LA
POPULATION SUR LES ENJEUX DE LA CONSTITUTION
EUROPÉENNES’ IMPOSE : SEULS LES PEUPLES PEUVENT
DÉCIDER DE CETTE CONSTITUTION
Le constat est unanime: les populations ne savent strictement
rien de ces enjeux. Ceci est catastrophique quand on
sait les conséquences que risque d’avoir le fait de graver dans
le marbre l’actuelle orientation de la politique sociale.
Tous les moyens possibles sont à utiliser pour changer
cette situation: une large diffusion de matériel très simple;
des initiatives, à l’occasion du 1e r mai par exemple, ou comme
celle de la Consulta en Espagne; des journées d’action.
À chaque fois que nous informons, il est important de
faire connaître les contre-propositions alternatives que nous
avons à formuler.
Au-delà de l’information, nous devons faire monter l’exigence
que les peuples soient consultés par référendum. Quelles
que soient les analyses que l’on fait de la Constitution, il est
inadmissible pour tout démocrate que celle ci ne soit pas soumise à la décision des peuples d’Europe. Autour de cette exigence,
tous les partis démocrates et toutes les organisations
du mouvement social doivent pouvoir s’unir.
ŒUVRER AU DÉVELOPPEMENT D’UN MOUVEMENT
SOCIAL EUROPÉEN
Pour les Euromarches, une caractéristique essentielle du
mouvement social européen est qu’il doit revendiquer une
Europe ouverte qui ne participe pas à la domination et à l’exploitation
d’autres pays mais qui, au contraire, établit de justes
coopérations avec eux.
Il faut bien constater que les mouvements sociaux, tant
syndicaux qu’associatifs, n’arrivent pas, pour l’instant, à faire
grandir une efficace coordination européenne des forces susceptibles
de s’opposer à la politique sociale actuelle de l’UE.
Aussi, les ripostes aux attaques n’existent que pays par
pays, en ordre dispersé, conditionnées par les calendriers de
mise en œuvre dans chaque pays des orientations décidées au
niveau européen par les États, comme par exemple sur la
question des retraites. Il est donc indispensable de promouvoir
les moyens pour que les mouvements sociaux soient plus
efficaces.
Il n’y aura pas une construction « par le haut » d’un
mouvement social européen: l’essentiel passe par des initiatives
concrètes et par l’organisation de réelles luttes sociales
internationales, ainsi que par la multiplication des liens
horizontaux entre des collectifs militants de terrain agissant
dans divers pays, associatifs et syndicaux, alternatifs,
altermondialistes , etc. Nous y avons contribué dès 1997,
modestement, mais tout de même avant beaucoup d’autres,
avec l’organisation des premières Marches européennes contre
le chômage, la précarité et les exclusions. Marches parties
symboliquement de Tanger et de Sarajevo. Nous sommes heureux
de voir que les mobilisations ont pris au cours des dernières
années un cours toujours plus international. La
« marche » à venir est celle qui nous conduira vers un monde
sans frontière, un monde de liberté et de justice sociale. Cette
marche, nous en inventons le tracé tout en avançant, elle sera
ce que nous en ferons, tous ensemble!
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