Déroulement de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

7 mois de débats laborieux pour décréter que les droits sociaux ne sont pas des droits justiciables mais des « objectifs politiques »

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Le developpement des Marches

 

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3 et 4 juin 1999 :
le Conseil européen de Cologne décide qu'une Charte des droits fondamentaux sera élaborée et proclamée en décembre 2000 avant la révision du Traité d'Amsterdam et avant la nouvelle phase d'élargissement de l'UE.

« Le Conseil européen estime qu'à ce stade du développement de l'Union européenne il conviendrait de réunir les droits fondamentaux en vigueur au niveau de l'Union dans une Charte de manière à leur donner une plus grande visibilité ».

15 et 16 octobre 1999 :
le Conseil européen de Tampere défini la composition de l'instance chargée d'élaborer la Charte

« Une enceinte sera composée de représentants des Chefs d'Etat et de gouvernement et du Président de la Commission européenne ainsi que de membres du Parlement européen et des Parlements nationaux. Des représentants de la Cour de Justice, du Comité économique et social, du Comité des Régions ainsi que des groupes sociaux et des experts seront entendus. »

Cette enceinte doit présenter un projet avant le Conseil européen de Nice de décembre 2000 ; Conseil européen qui doit adopter la révision du Traité d'Amsterdam avant l'élargissement aux pays candidats. [1]

La méthode adoptée offrait de bonnes garanties de fonctionnement démocratique et de transparence. Toute personne le désirant pouvait assister aux réunions, les textes de travail étant accessibles sur internet, ainsi que les contributions adressées au Presidium par les organisations de citoyens.

17 décembre 1999 :
première réunion de l'instance.
Dès la première réunion, les 63 membres qui constituent l'enceinte semblaient vouloir s'inscrire dans la continuité de l'histoire des droits de l'homme en se donnant la dénomination de « Convention ».

On pouvait s'attendre à quelque chose de positif pour le progrès social dans la mesure où les conclusions de Cologne précisaient : « il faudra prendre en considération des droits économiques et sociaux… ». Mais, c'était sans compter sur cette fichue manie (ou tactique ?) des législateurs de l'Union européenne qui, en matière sociale, incluent toujours la chose et son contraire. Ici, il s'agit d'une toute petite phrase, qui, à propos des droits sociaux ajoute : « dans la mesure où ils ne justifient pas uniquement des objectifs pour l'action de l'Union ».

« C'est le chat qui se mord la queue »

Cette restriction a permis à des membres de la Convention de marteler : « on ne peut pas aller au-delà de ce que permet le Traité. ».[2] Et comme, dans le domaine social le Traité est extrêmement restrictif (rien ne doit entraver la libre circulation des marchandises, des services, des travailleurs et des capitaux), les efforts des membres de la Convention qui voulaient que la Charte garantisse les droits sociaux ont été anéantis. Face à cette absurdité, ce commentaire circulait et exprimait le désarroi des observateurs pendant la durée de l'élaboration : « Cette Charte, c'est le chat qui se mord la queue ».

De janvier à juillet 2000 :
les débats de la Convention tournent autour des 4 questions essentielles suivantes :

  1. Pourquoi une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ?
     
  2. Quel est l'enjeu de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ?
     
  3. Comment les droits civils et politiques ont-ils été abordés ?
     
  4. Comment la Convention a-t-elle examiné les droits sociaux ?

 

Notes :

[1] Premier groupe des pays candidats à être membres de l'Union européenne : Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovénie, Estonie plus Chypre.
Deuxième groupe de pays : Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Roumanie, Slovaquie.

[2] C'est le leitmotiv tragique de l'Union européenne, celui qui permet de balayer les valeurs et les principes de nos démocraties. Il est aussi utilisé pour balayer la Taxe TOBIN. Le commissaire européen chargé de la fiscalité Frits Bolkestein a clairement déclaré son hostilité à ce type de taxation en répondant, en janvier, à une question orale d'Harlem Désir : « Je ne vois pas l'intérêt d'une taxe Tobin européenne et de toutes façons, la Commission est opposée à toute tentative de contenir les transactions financières dans l'Union européenne. Dans la mesure où cette disposition pourrait être considérée comme une restriction indirecte des mouvements des capitaux, elle pourrait être contraire aux traités ».(Agence Europe du 11/07/2000)

[3] Agence Europe du 2 mars 2000

[4] Note d'information du Presidium du 20 janvier 2000.

 

1. Pourquoi une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ?

Le Parlement européen adopte une résolution le 16 mars 2000 en y apportant ces réponses :

  • les libertés et droits fondamentaux intrinsèquement liés au respect de la dignité humaine requièrent une protection juridique globale et effective, ainsi que des garanties juridiques efficaces,
  • la primauté du droit de l'Union et les importants pouvoirs que ses institutions exercent à l'égard des individus font du renforcement de la protection des droits fondamentaux à l'échelon de l'Union européenne une nécessité,
  • le développement des compétences de l'Union européenne, en particulier dans ce domaine sensible qu'est la sécurité intérieure, conjugué aux limites des contrôles parlementaires et juridictionnels dans ce domaine, confère à l'adoption d'une Charte européenne des droits fondamentaux un caractère d'urgence,
  • il faut veiller à ce que l'évolution de l'Union ne se traduise pas par un déséquilibre entre l'objectif de sécurité et les principes de liberté et de droit,
  • tant dans le cadre du Traité sur l'Union que du droit communautaire, les libertés fondamentales peuvent être restreintes sans légitimation parlementaire, bien que cela aille à l'encontre des traditions constitutionnelles communes des Etats membres,
  • la mise en place, au niveau de l'Union, d'une politique extérieure et de sécurité commune, avec la perspective d'une défense commune, doit se faire dans le respect des droits fondamentaux,
  • il existe de sérieuses indications de montée du racisme et de la xénophobie,
  • l'évolution dans des domaines tels que ceux de la biotechnologie ou des technologies de l'information est susceptible de soulever en matière de droits fondamentaux de nouveaux problèmes, un consensus au niveau européen sur les droits fondamentaux constitue une importante contribution à une solution globale du problème
  • les droits sociaux fondamentaux doivent être renforcés et développés à l'échelon de l'Union européenne

2. Quel est l'enjeu de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ?

Dès le début des travaux, certains membres de la Convention ont tenté de minimiser la portée de leur mission en orientant la rédaction sur une simple déclaration politique. D'autres ont mis en lumière l'évidence :

« Nous ne sommes pas là pour réaliser une brochure de promotion de l'Europe mais pour rédiger un texte juridique, transposable en droit » ; « Que cela nous plaise ou non, nous sommes en train d'élaborer une Constitution » ; « les droits ne servent à rien en l'absence d'une sanction juridictionnelle,(…) la Charte doit permettre aux citoyens de former des recours devant la Cour de justice. » [3]

3. Comment les droits civils et politiques ont-ils été abordés ?

La Convention devait se référer à la Convention Européenne des Droits de l'homme de 1951 (CEDH) et aux principes constitutionnels des Etats membres ceci étant inscrit à l'Article 6 du Traité de l'Union européenne). « Il en résulte que la CEDH constitue un standard minimum et que la Charte ne peut marquer une régression sur la Convention telle qu'elle est interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme » [4]

Cependant, la CEDH signée en 1951 par les Etats membres du Conseil de l'Europe ne contient que les droits civils et politiques. Sa rédaction s'est effectuée dans un climat de débats passionnés qui ont eu pour effet que les droits sociaux et culturels, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme des Nations unies de 1948, ont été rejetés.

4. Comment la Convention a-t-elle examiné les droits sociaux ?

Les opposants à l'inscription des droits sociaux dans le Traité de l'Union européenne se sont exprimés avec ardeur déclarant « qu'on ne peut pas faire des promesses qu'on ne pourra pas tenir ». D'autres (comme Jacques Delors) soutiennent que les affaires sociales ne doivent pas être traitées au niveau européen mais au niveau national.
Ces deux arguments ont été combattus - heureusement - par des membres de la Convention chargée d'élaborer la Charte des droits fondamentaux de l'UE, car ils favorisent le marché et le dumping social au nom de la compétitivité des entreprises européennes aux dépens des droits sociaux des habitants de l'Union européenne. Par là, ils mettent en péril les législations sociales de chacun des pays car elles sont soumises aux règles incontournables - et supranationales - de la concurrence, du Pacte de stabilité et du marché intérieur. (liberté de circulation des marchandises, des biens et services, des travailleurs et des capitaux).
Mais ces défenseurs des droits sociaux (voir Chapitre IV) ont été battus par un argument redoutable imposé par le secrétariat du Président de la convention : « Les droits à garantir ne sont pas de même nature. Il existe des droits qui sont clairement justiciables. D'autres, pour être mis en œuvre, exigent une action de l'Union, action dans le cadre de laquelle le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation. (…) Une réflexion doit donc être menée pour chaque droit afin de déterminer s'il peut être justiciable ou s'il peut être formulé de telle façon qu'il le soit. Certains droit devraient être définis comme principes politiques. » [4]. Ainsi, tous les droits sociaux afférents au travail, à la santé et à la protection sociale, ont-ils été passé au crible de la question : « est-ce un droit ou un objectif politique ? ».
Résultat : dans la structure de la Charte, le chapitre qui aurait du s'intituler « Droits sociaux » est précautionneusement appelé « Solidarité ». L'article 32 « sécurité sociale et aide sociale » donne à lui tout seul l'ambiguïté des objectifs :
§1 de l'article 32 : « L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection en cas de maternité, de maladie, d'accident du travail, de dépendance ou de vieillesse, ainsi qu'en cas de perte d'emploi, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales. »
Or, les « modalités établies par le droit communautaire » en la matière ont démontré leur volonté de démanteler les systèmes de protection sociale jugés « trop généreux ». Et les recommandations des Grandes Orientations politiques (GOPE) s'acharnent à imposer la réduction des coûts sociaux dans les législations et les pratiques nationales ! Autant dire que l'Union reconnaît et respecte bien peu de choses dans le domaine du droit social !

Quant à la réponse à la revendication du droit à un revenu garanti individuel et au droit au logement, elle est libellée comme suit :
§3 de l'Article 32 : L'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales.

Le Presidium a donc tranché. Les droits sociaux ne sont plus justiciables mais deviennent des objectifs politiques soumis à l'arbitraire des majorités politiques. Ils sont encore protégés par les Constitutions nationales…jusqu'à ce qu'une Constitution européenne les anéantissent si cette Charte qui est destinée à en définir les principes, est proclamée telle quelle et se voit attribuée une valeur supérieure en droit.

Cette Charte ne peut être proclamée telle quelle, car elle serait alors un instrument de régression sociale.

Et pourtant, tout est prévu pour qu'elle le soit :

II. Calendrier des prochaines étapes

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